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Bienvenue à Gattaca

Photo du rédacteur: Gilles CailleauGilles Cailleau

Je voudrais faire du cinéma. Lorsque le monde m’indigne, je souffre de cette intimité du théâtre qui fait qu’on dit ce qu’on dit à si peu de gens. Je déteste parfois l’inefficacité de mon art, son incapacité à rassembler des foules. Je voudrais œuvrer avec la même naïveté que Spielberg qui écrit Minority report ou la Liste de Schindler, ou que ce cinéaste qui a fait ce film dont j’emprunte le titre, Bienvenue à Gattaca. Je suppose qu’ils ont foi dans la capacité du cinéma à réveiller des consciences en assez grand nombre pour améliorer le monde.

Bienvenue à Gattaca est un film de science-fiction. On y raconte une société régie par l’ADN, où chacun en fonction de sa séquence génétique, a le droit ou non d’exercer un métier, de se reproduire, etc.

Rien de nouveau sous le soleil, me direz-vous ? Des relents d’Eugénisme et de race aryenne triomphante… Le vieux rêve.

Seulement, voilà qu’aujourd’hui des chercheurs de l’INSERM publient une étude sur les comportements à risques des enfants dès trois ans, préconisant de repérer chez les tout-petits les violents, les énervés, ceux qui mordent et le comble, ceux qui sont sans remords.

Sur le goût amer qui nous vient à la bouche, le malaise qui nous prend à la lecture d’une telle étude, ou plutôt, au seul écho de son existence, je passe… Pourquoi, mais pourquoi, cela pue-t-il autant ?

On voudrait d’abord que ce rapport soir commandité par le politique, on rêverait que Sarkozy ait commandé cette étude qui le conforte dans ses désirs de propreté et de moisson humaine (séparons le bon grain de l’ivraie), mais non, ce sont des chercheurs tout seuls, des comportementalistes émérites, qui ont cherché par là, comme des grands, un remède aux maux de notre société.

Aux maux… Au mal plutôt, le seul, celui qui mobilise toutes nos obsessions : Le Risque.

Car c’est bien au nom de la prévention du risque que ce déterminisme nauséabond peut croire en sa légitimité.

C’est ce même rejet du risque qui voudrait couper les platanes au bord des routes et qui interdit maintenant aux parents d’amener à la fête de l’école des gâteaux qu’ils ont fait eux-mêmes.

Là où le bât blesse, c’est que la prudence (autre nom de la prévention) n’a pas que des excès, qu’elle est même fort bonne conseillère de la vie, mais qu’en ces temps de doute et d’inquiétude, élevée au rang de règle inviolable (comme si la certitude de l’absence totale de risque était préalable obligé de toute action), elle motive de nobles luttes, mais cautionne aussi les pires projets.

Avec cette étude de l’INSERM, on verse dans l’éthique détestable.

Et on voit tout de suite le film qu’on pourrait en faire, et les spectateurs sortiraient en disant « heureusement que ce n’est que de la science-fiction », et leur voix tremblerait un peu.

Alors, comme je ne fais que du théâtre, et qu’à ce titre, ma voix parle à si peu de gens, comme celle d’une sentinelle postée dans un village, une fois n’est pas coutume, je vous invite, si ce monde où on veut repérer des enfants de trois ans un peu remuants, pour s’en méfier quand ils auront atteint l’âge adulte, si ce monde-là, disais-je, ne vous plaît pas, je vous invite à le dire fort.


Gilles, le 7 avril.

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