Pardon si j'ai un peu de retard. C'est que je n'arrivais pas à effacer les mots du mois dernier qui parlaient des 4 saisons du Revest et de leur mort annoncée. J'avais bien envie de raconter autre chose, mais pas passer à autre chose.
Alors voilà, je me suis promené tout l'automne pour jouer Shakespeare, et j'en ai vu un peu partout, des lieux culturels en périls (je dis des lieux, disons des liens), soumis aux chantages, aux caprices ou aux ultimatums des élus (donc, des électeurs). J'en ai vu des endroits où tout allait mourir, où les choses patiemment construites étaient savamment ou violemment démolies. Au moins, en ces temps de contre-réforme, ces attaques ont le mérite de n'être pas sournoises, elles se clament haut et fort.
Et je me disais sur mon petit chemin qu'il faudrait bien qu'on se pose la question de notre responsabilité à nous, artistes et créateurs, dans cette débandade. (Si on part du principe sage qu'en amour comme en politique, toute responsabilité est partagée.) Et ce faisant, je me disais que peut-être, entre autres raisons, nous avions honte de notre arme principale : la désuétude.
Nous sommes des gens désuets. Comme écrivait Genet, "nous sommes les résidus d'un âge fabuleux, nous venons de très loin", nos moyens d'artisans sont désuets, notre sueur est désuète, notre insistance à parler à si peu de gens quand au coeur de la nuit, la plus mauvaise émission du PAF rassemble 300 000 personnes. Notre liberté est désuète. Mais quand je m'arrête, que je pose mon chapiteau ou ma roulotte, je le vois bien, même si le spectacle les a fait rêver, s'ils ont bien frémi, bien pleuré, bien ri, c'est ma liberté que les gens envient. Et j'ai bien envie, moi, de le dire bien haut : Oui, nous faisons des choses inutiles qui coûtent cher. Nous ne sommes pas du tout indispensables, on peut très bien se passer de nous. Il y a d'autres beautés dans le monde que des beautés artistiques, et pas seulement des paysages, des beautés humaines aussi.
Et si je suis acteur, ce n'est ni par mission ni par vocation, ni pour changer le monde, ni pour le rendre plus beau... si je suis acteur, c'est simplement que ça me plaît.
Tiens, est-ce que de dire ça, ça ne sent pas déjà le souffre ?
Bonne année,
Gilles.
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