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  • Photo du rédacteurGilles Cailleau

Barbecue philosophique

Ceux qui, gentiment, lisent régulièrement ces éditos s’en sont peut-être rendu compte, j’essaie de m’y astreindre, quel que soit mon sujet, à trouver un lien avec ce qui m’occupe, le théâtre.

C’est une question de politesse, je ne vois pas pourquoi j’utiliserais cette tribune confidentielle pour parler plus qu’un autre de ce qui me préoccupe.

C’est aussi une question de santé. Sans cette règle du jeu, l’étendue du domaine des colères et des accablements possibles est si vaste qu’à les écrire, j’y passerais ma vie.

Question sottise et malfaisance, l’été qui s’achève n’est pas loin de tenir le pompon.

Mais si ce qui arrive à notre planète et à ceux qui l’habitent est source d’une infinie tristesse et pire, de lassitude à voir le malheur s’installer sur la terre comme s’il était chez lui, les discours que ce malheur produit, autant au Café du Commerce, dans les diners entre amis et dans les universités d’été de nos partis politiques, ces discours, disais-je, sont la source d’une consternation plus grande encore.

Ce qui me frappe surtout c’est l’abondance des certitudes. Elles remplissent les discours, les conversations, les débats. Il faudrait… On ne doit pas… La limite à ne pas franchir… Cette attitude intolérable… Il fallait faire autrement…

Apparemment, qu’il s’agisse de s’habiller sur la plage ou de sauver le pays et l’Europe, chacun sait comment s’y prendre, le quidam comme le fin politique, l'universitaire comme le maçon.

Mais avec toutes ces certitudes, ces réponses péremptoires, ces solutions incontournables, comment se fait-il que tout aille encore si mal ? Personne apparemment ne relève la contradiction.

Pour ma part, je l’avoue, sur tous ces sujets, mes questions sont sans réponse et je trouve tout très compliqué. Je n’en prendrai qu’un exemple, une petite question simple qui me tient en éveil depuis plus de deux mois.

C’était un soir de barbecue. On causait avec ma chérie en piquant quelques saucisses. Elle me racontait Istanbul où elle a vécu une année et me disait que pendant certains des cours auxquels elle assistait là-bas, on s’interrompait le temps de la prière. J’ai commencé comme tout le monde, par une réponse : — « Heureusement que je ne suis pas obligé de faire pareil au milieu de mes spectacles. » Oui, ça ressemble à de l’ironie, mais c’était bien le réflexe d’une certitude, entendez : je n’ouvrirai pas ma porte à cette pratique.

Mais aussitôt la phrase prononcée, la question est venue : que choisirais-je ? Si entrecouper une représentation d’une prière était la solution pour arrêter de jouer devant des gradins remplis à 99% de spectateurs de type caucasien, le ferais-je ? Si c'était la condition sine qua non d'une rencontre ? Le ferai-je ? Est-ce que je m'y refuserais ? Parce que je pense que le spectacle y perd ? Ou simplement que cette concession signe le début d’un engrenage dangereux ? Qu'est-ce que je déciderais ?

C’était au début du mois de juillet et en cette fin d'été, je n’ai pas de réponse. Et tous ceux qui en ont une me font peur.

Gilles, à Gradignan, le 7 septembre 2016.

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