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  • Photo du rédacteurGilles Cailleau

Tribute to Patou

Il y a un geste que je n’ai jamais aimé au théâtre, c’est la main tendue que les acteurs font vers la régie à la fin du spectacle. Vous me direz que c’est un geste gentil, et finalement, sans conséquence. Justement, c’est ça que je n’aime pas, que ce soit un geste sans aucune conséquence.

Je n’aime pas non plus, pendant les cérémonies, les remerciements aux gens de l’ombre, les merci-à-tous-ceux-sans-qui… Vous me direz qu’on ne peut pas faire monter tout le monde sur le podium. Pourquoi pas ? Pourquoi, s’ils sont essentiels, les gens de l’ombre, ne leur laisse-t-on pas autant de place ?

Je n’aimerais pas dire merci à ceux avec qui je travaille, j’aurai l’impression de sous-entendre qu’on ne travaille pas ensemble, mais qu’ils travaillent pour moi.

Je n’aime pas, lorsqu’on va, Patou et moi, à un rendez-vous, que les gens nous disent en partant : « C’est gentil, Gilles, d’âtre venu. »

Je n’aime pas lorsqu’on est toute la compagnie et que quelqu’un me demande ce que je fais la saison prochaine.

Je leur dis que je n’aime pas. Ils répondent que le tu englobe tout le monde… Voire !

Je vous entends : cette diatribe ressemble fort à un combat d’arrière-garde, au désir d’une démocratie, d’une égalité factice, pire, à une façon de s’excuser de mon propre orgueil, à me dédouaner de la place que mon égo réclame…

Et si simplement, on essayait d’inventer autre chose…

Parfois Patou me dit : « Vas-y toi, c’est toi qu’ils veulent entendre ! » Je le sais. Ça ne me gêne pas. Attention Fragile n’est pas un collectif et je ne fais pas semblant de croire qu’on y a tous la même place.

D’ailleurs, certains d’entre nous, dans la compagnie, préfèrent avoir le sentiment de travailler pour, ils y voient plus de liberté.

Mais peut-on envisager la possibilité de n’être ni dans la parfaite équivalence des places et des fonctions (celle du collectif), ni dans la survalorisation du créateur ?

Prenons l’exemple de Patou, c’est le plus emblématique.

Je suis directeur artistique, elle n’est que relation publique. Aie !

Je suis un homme, c’est une femme. Re Aie !

Nous vivons ensemble. Jouerait-elle dans les spectacles s’ils ne dormaient pas ensemble ?

Tout ça ne simplifie pas les choses. D’autant plus que ça ressemble tellement à des modèles répandus. Seulement voilà, la vie est toujours plus compliquée que les modèles, pire, elle les dément.

Alors je me dis qu’on devrait se méfier justement des facilités de pensée qui accordent souvent plus de crédits à ceux qui parlent qu’à ceux qui se taisent, aux hommes qu’aux femmes (il est tenace, celui-là), qui répartissent la distribution en premier et en second rôle…

D’autant plus qu’en voyant tout cela, cette démesure qu’on accorde à ma place, (et que je prends aussi, j’en conviens), j’en arrive parfois, paradoxalement à m’effacer de façon factice et je ne trouve pas ça juste non plus.

Voilà. Cette compagnie, on l’a inventée à deux, deux êtres dissemblables, mais sans que l’un ou l’autre ait plus le droit à s’en dire le créateur.

On a ouvert la maison à d’autres qui y ont fait leur chambre.

La maison ne porte pas mon nom, on en est tous colocataires.

C’est un peu maladroit, mais il fallait que je le dise.

Gilles, Ruffec, 9 avril.

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