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Photo du rédacteurGilles Cailleau

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Que les spectateurs, les amis, les rencontré(e)s de passage qui ont la gentillesse de lire ces éditos sporadiques me pardonnent par avance, non le retard de tout façon sans excuses qu’a pris celui-ci, mais la tournure un peu corporatiste qu’il risque de revêtir, attendu que c’est aux membres de ma profession qu’il s’adresse en premier, tout en espérant que ce qui les concerne concerne encore un peu tout le monde, à moins que faire de l’art dans le monde aujourd’hui n’ai pas plus d’intérêt que de retapisser un cagibi dans le recoin inaccessible d’une maison dévastée.


Il n’aura échappé à personne que nous sommes en année électorale, et je me disais l’autre jour que, appétit de pouvoir des candidats mis à part, démagogie de campagne obligée, nous autres électeurs avions un choix somme toute assez clair entre 4 projets politiques qui avaient le mérite de n’être pas blanc bonnet-bonnet blanc.


1) Une vision du monde dite libérale, visant à la disparition du plus de règle possible et faisant confiance à la société pour se réguler d’elle-même (je parle évidemment de ces 4 projets de l’intérieur de leurs propres logiques, je ne dis pas ce que j’en pense).


2) Une autre vision doutant de la possibilité d’une justice sans règles, mais doutant aussi de la fin du capitalisme et proposant d’accommoder le moins mal possible les deux.


3) La troisième cherchant la solution dans le retour en arrière, le protectionnisme et le repli sur soi-même, ainsi que l’exclusion des responsables désignés de la crise (solution expérimentée de façon récurrente dans l’histoire)


4) Enfin, une quatrième vision espérant à terme en la possibilité de sortir de la société capitaliste, en lui substituant des réseaux de solidarité et d’échange basés sur autre chose que la recherche du profit.


Après cela, qu’on ne nous dise pas que les politiciens sont tous les mêmes, en tout cas, si les politiciens sont les mêmes, les politiques, elles, proposent des chemins diamétralement opposés, et chacun sur son carrefour, peut encore prendre la direction qui lui semble la plus juste.


Mais ce qui unit ces 4 grands projets, dont j’ai fouillé les moindres lignes, là où nos quatre familles ennemies s’entendent comme larrons en foire, c’est pour ne donner à la culture aucune place décisive, et d’en parler comme d’une chose importante, mais absolument contingente. Le temps est loin où la culture faisait partie du cœur d’un projet de société. On pourrait discuter de cela longtemps, mais, malgré les apparences, mon intention n’est pas de faire un éditorial politique. Reste le constat : la culture est à la marge, et ma question d’aujourd’hui : comment il se fait que nous, artistes, prenions si difficilement notre part de responsabilité dans cette marginalisation générale ?


Évidemment, en posant les questions qui vont suivre, je sais que je prends le risque de donner de l’eau aux moulins de ceux dont je ne partage ni les idées, ni les intentions, tant pis, je me lance : Pourquoi n’avouons-nous pas, par exemple, que le statut d’intermittent, en sécurisant les parcours personnels de chaque artiste, à délié petit à petit, mais profondément, les liens de solidarité qui existaient entre nous, qui s’exprimait dans l’existence des troupes, créant un individualisme dont nous payons aujourd’hui le prix, économique et artistique. Pourquoi ne mettons-nous jamais en question le désintérêt effectif des créateurs pour le public, laissant pour la plupart le soin aux organisateurs d’aller le chercher, de le faire venir, de le fidéliser, comme si nous avions, nous, beaucoup mieux à faire ? Pourquoi notre rapport à l’économie de notre profession est-il tellement contradictoire, refusant de faire de « l’art une marchandise », tout en vivant de techniques de commerçants ? Pourquoi ne réfléchissons-nous jamais à une régulation interne de la profession (autrement qu’en nous positionnant comme les victimes d’une perte d’influence progressive), en nous proposant à nous-mêmes de réduire, par exemple, le nombre de nos créations à une tous les trois ans par exemple ?


Toutes ces questions, posées de manière assez naïve, j’en conviens, je serais ravi qu’on m’y réponde, ou qu’on leur oppose des objections, ce qui me forcerait à réviser des idées qui ne me réjouissent pas beaucoup.


Gilles, Irigny, 20 janvier 2007.

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