Et voilà. C'est aujourd'hui. La Guerre des Boutons est déclarée. Ça devait arriver. Ce bouquin, que je lis au moins une fois par an depuis que j'ai onze ans, je ne le lirai sans doute plus. Ou dans très longtemps. Ça va me manquer. À la place, des grands qui jouent aux gosses dans un terrain vague. Aurélie m'a dit l'autre jour : "Quand même, regarder des gens être payés pour s'amuser autant, c'est énervant !" Je la comprends. Il y a des gosses dans tous mes spectacles. Des mômes. Des mioches. Cette fois-ci, j'ai dit aux acteurs : "Ne composez pas, cherchez la grâce." Ça ne voulait pas dire, "Soyez des anges", ça voulait dire "soyez évident, dans la gaîté comme dans la cruauté". Je leur ai dit : "Ayez des chagrins préhistoriques !" Je leur ai dit : "Ne travaillez pas, interdisez-vous de travailler, mais faites de votre plaisir une discipline." Je leur ai dit, "Pensez à Homère plutôt qu'à Doisneau, oubliez les boutons, pensez à la guerre..." Je leur ai dit des tas de choses incompréhensibles qu'ils ont gentiment essayé de mettre en oeuvre. Une fois de plus, ensemble, on a tenté de s'approcher. Et voilà. C'est arrivé. Et ça a le goût d'un très ancien théâtre : vous êtes conviés, en assemblée publique, à assister à la genèse de la guerre.
Gilles, 24 février. H moins 6.
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