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  • Photo du rédacteurGilles Cailleau

Joie, joie, pleurs de joie !

Il y a de nombreuses choses que je n’ai jamais faites. Certaines que je me réserve pour plus tard, celles dont je m’occupe en ce moment même et d’autres qui ne me laissent aucun regret. Parmi ces dernières, pêle-mêle, je n’ai jamais fumé, je ne me suis jamais battu, je n’ai jamais cru en Dieu.

Mais tout athée que je sois et malgré mon incapacité à envisager intellectuellement une vie après la mort, j’ai tout autant de mal à imaginer le néant. Cela m’abîme parfois dans le gouffre sans fond de mes propres pensées.

D’un autre côté, comme je n’ai aucune prévention contre l’art sacré ou les littératures religieuses, j’ai toujours considéré les représentations de l’Enfer et du Paradis, de la Genèse ou de l’Apocalypse, etc. comme des métaphores de notre humaine condition.

Aussi il y a quelque temps pendant une nuit de binge-watching où j’avalais l’un après l’autre des épisodes de Grace and Frankie, je suis tombé dans la saison trois sur une pensée qui m’a séduit.

Un ancien prêtre catholique à qui un des 4 personnages centraux, Robert demande conseil (il multiplie les pensées impures et a peur de « finir en enfer »), un ancien prêtre donc, lui dit en substance : l’Enfer et le Paradis, ce sont le souvenir qu’on laisse sur la terre après notre mort. Si le souvenir que vous laissez est heureux, vous êtes au Paradis, si le souvenir que vous laissez est terrible, vous êtes en Enfer.

C’est une idée, ou plutôt une religion poétique merveilleuse. Et sans doute plus profonde qu’on imagine. Parce que si on la fouille, on se rend compte qu’à la fois elle conserve à l’Enfer et au Paradis leur nature immatérielle, puisqu’il n’est question que de souvenir, mais en même temps, elle a le mérite de ramener l’enfer et le paradis à la terre, comme une manière de poids que chacun amènerait ou enlèverait au monde des vivants.

L’autre monde comme on dit ne serait plus l’autre monde mais une des qualités de celui-là, ni plus ni moins que la température est une des qualités de l’eau.

Voilà une pensée purement métaphysique et pourtant qui donne envie d’expliquer l’Enfer et le Paradis aux enfants.

Je ne suis pas au Paradis, je suis le Paradis. Je le constitue, je l’augmente (ou je le diminue en augmentant l’Enfer).

Je ne sais pas pour vous, mais pour moi c’est délicieusement vertigineux et cela me donne un peu de cœur à l’ouvrage.

Moi qui, contrairement à un peintre ou à un écrivain, fabrique par nature des choses dont les traces ne durent guère plus longtemps que je les joue, je suis heureux de pouvoir imaginer qu’en laissant une empreinte dans la mémoire de quelques-uns, j’ai enlevé du poids à la terre et jardiné tranquillement un petit bout du paradis.

Gilles, à Corsavy, dans la jolie maison de mon éditeur, à la veille de l’été.

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