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Photo du rédacteurGilles Cailleau

Le marathon de Montauban

Dernière mise à jour : 11 juil. 2020

Un de mes amis pousse loin la vertu. Ou l'honnêteté, ou l'engagement, comme on voudra. Toujours est-il que, parce qu'il créait un spectacle qu'il a appelé Marathon, il s'est entraîné pour pouvoir en courir un vrai, ce qu'il a fait à Montauban.

Je ne sais pas si le spectacle est meilleur de cette aventure, mais ce que je sais en revanche, c'est qu'il y a gagné une manière de dignité.

Faire ce qu'on dit, dire ce qu'on fait, ne semble pas une par les temps qui courent une obligation morale des plus partagées.

Bien sûr, j'écris cela aujourd'hui, où on voit le premier de nos hommes politiques renier le plus retentissant de ses engagements, lui qui voulait faire mordre la poussière à la finance et finit par lui prêter allégeance (et encore, je dis ça gentiment, le XVIème siècle un peu cru aurait dit de lui qu'il se torchait le cul dans le papier de ses promesses), je comprends que suivant cet exemple, nous ne nous sentions pas tenus à beaucoup de droiture, mais l'été gris qui s'achève doucement n'a pas brillé par sa rectitude.

Il faudrait beaucoup de temps pour disserter du bien fondé de l'intermittence, des aménagements économiques à y apporter, de la philosophie qui sous-tend ce fragile édifice, des modifications à y apporter, ce n'est pas mon objet ici, mais les incohérences de la lutte à laquelle on a assisté ou participé relèvent quand même du tour de force.

Comment croire à une grève qui s'exerce plus facilement les jours de générale que les jours de représentations ? Comment croire à un combat qui s'arrête quand les compagnies ne sont plus achetées par des lieux, mais s'auto produisent ? Pourquoi se draper dans des justifications politiques pour expliquer le lundi qu'il faut faire grève et le mardi qu'il faut jouer ? Pourquoi ces mails nous expliquant qu'on joue tout en étant solidaire des grévistes ? Que dirait-on d'un cheminot ou d'un Conti qui travaillerait et déclarerait qu'il est de tout cœur avec les grévistes ? Comment croire aux employeurs solidaires eux aussi de la lutte mais qui pensent qu'elle est justifiée seulement hors de leur propre structure ?

Et cette solidarité affichée avec tous les autres précaires, est-ce qu'elle s'exercera lorsque les stagiaires défileront à nouveau comme ils l'ont fait en 2007 ? Nous voit-on lorsque des fournées d'ouvriers sont virés d'une boîte où ils travaillaient depuis un demi-siècle ? J'en doute. Et cette absence aux luttes des autres n'a en soi rien de répréhensible, même si on peut déplorer le corporatisme de toutes les luttes, ce qu'il faut arrêter, par contre, c'est l'écart entre le discours et la réalité. Nous avons besoin, pour être un tant soit peu audible, d'un peu de rectitude et de probité intellectuelle, et que nos élans guerriers ou altruistes ne soient pas démentis par l'individualisme de la lutte ou la faiblesse de nos engagements.

Au reste, au moment où la grève faisait rage, je recevais un mail désespéré d'Orit, tragiquement écartelée entre son travail de créatrice et sa condition d'Israélienne et qui demandait à quoi bon créer dans la guerre. L'urgence de ses questions donnait un coup de vieux à tout le reste de nos doutes, et tout l'été, comparant ses affres aux nôtres, je n'ai pas pu m'empêcher de comparer la grandeur de ses contradictions aux vanités de nos compromis.

Gilles à Auch, le 1er jour d'automne.

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