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  • Photo du rédacteurGilles Cailleau

Le tragique n'est jamais loin

Je prends du retard dans mes éditos. Attendre les résultats des élections, surtout, m’aura coûté le mois de mai.

Et puis aussi, j’écrivais autre chose, une lettre qui me paraissait d’importance, que je peaufinais pour aujourd’hui, journée mondiale du don du sang. Elle était destinée à l’Établissement Français du même nom. J’y signalais mon désarroi de ne pas pouvoir me rendre dans un bus de collecte. Non que je manque de temps, au contraire, mais le fait que les homosexuels n’aient pas le droit de donner le leur (de sang), alors que moi, en bon hétérosexuel, je n’ai qu’à affirmer que je ne multiplie pas les partenaires à risques pour pouvoir donner le mien, me mettait dans une perspective tragique.

En bon garçon de théâtre, amoureux de Racine et de Shakespeare, je sais bien que quand il est question de sang, le tragique n’est jamais loin, mais quand même, c’est un peu fort de café qu’une orientation sexuelle puisse à priori empêcher de sauver des vies.

Et cette lettre était accompagnée de ma carte de donneur coupée en deux, comme au plus beau temps de mes engagements politiques juvéniles (où je me souviens avoir déchiré ma carte des jeunesses communistes par opposition à je ne sais quel oukase idiot), avec l’engagement solennel de ne me défaire du moindre centilitre d’hémoglobine que quand on aurait tous le droit d’en faire autant.

Si le tragique était là, c’est qu’en me conformant à ce principe qui me paraissait juste, en même temps, je trouvais désespérant de priver de mon O – – (donneur universel, excusez du peu) quelqu’un qui en avait un besoin vital et qui n’y était pour rien.

J’écrivais cette lettre donc, quand j’ai eu la chance ou la malchance d’écouter les informations et là, quoi ? La nouvelle ministre de la Santé annonce qu’on va revenir sur cette interdiction, et que, je cite, « On peut et on doit revoir cette politique (...). La sécurité doit être assurée, il n'est pas question de prendre le moindre risque en termes de transfusion, mais le critère ne peut pas être (...) l'inclination sexuelle ».

J’ai mis ma lettre au panier. Ma carte est déjà déchirée, mais ce n’est pas grave, je vais pouvoir m’en faire faire une autre dans les plus brefs délais.

Si dans 5 ans on se rendait compte que le 6 mai n’a servi qu’à ça, ce serait déjà bien.

Gilles, à la maison, le 14 juin.

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