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  • Photo du rédacteurGilles Cailleau

Soleil rouge

Au jeu aussi amusant que simpliste (et peut-être amusant parce qu'il est simpliste) qui consiste à séparer l'humanité en deux portions rigoureusement opposées : les gens à thé/les gens à café, les gens à édredons/les gens à oreillers, les gens à mer/les gens à montagne, les gens à coton/les gens à dentelle, les gens à sommet/les gens à col (celle dichotomie-là est moins connue et je la revendique comme une de mes inventions personnelles, elle consiste à répartir l'humanité en 2 groupes, ceux qui à l'égal des alpinistes veulent monter toujours plus haut quitte à redescendre par le même chemin, et ceux qui à l'égal des randonneurs, se contentent d'une moindre altitude mais aiment à chaque humble col gravi, avancer de vallée connue en vallée nouvelle), les gens à ceinture/les gens à bretelles, les gens du matin et les gens du soir, bref... autant de raccourcis de pensée qui nous aident si on les prend avec légèreté et nous égarent si nous nous y tenons comme à des certitudes, à cette facilité de pensée binaire, ludique et universellement répandue donc, je pourrais ajouter une opposition plus corporative : l'humanité se partage entre les gens qui aiment les entractes et les gens qui s'en passent très bien.

Pour certaines personnes, sortir de son siège entre 2 actes tient de la profanation, fait retomber la tension tragique même au beau milieu d'une comédie, et les mondanités du foyer du théâtre les insupportent au plus haut point, les autres s'en délectent pour les mêmes raisons qui déplaisaient aux premiers, les mondanités les décontractent, la tension qui les oppressait retombe et leur permet d'aborder l'acte suivant avec l'attention qui convient.

Il en va de même des vacances, qui ne sont rien d'autre que les entractes d'une pièce qui peut en contenir près d'une centaine et qu'on appelle communément la vie. Tous les ans, un peu de soleil et de repos, non seulement nous décontracte, mais nous aide à revenir dans l'année qui vient avec plus de concentration. Tant est si bien qu'on peut se demander si, à l'instar des pièces de théâtre les plus ardues qui sans un entracte apaisant nous paraîtraient insupportables, les vacances ne sont pas la soupape qui empêche d'exploser la cocotte-minute de la vie.

Alors, puisqu' apparemment et depuis longtemps, d'année en année rien ne s'arrange , on devrait peut-être essayer une autre technique, à savoir quand vient l'été d'essayer de garder un peu de rage. De ne pas oublier en bronzant que des intégristes de tous bords voudraient renvoyer les femmes au voile ou à la maternité chrétienne, de fulminer devant son pastis en pensant à ceux qui pendant l'été auront perdu leur emploi, leur logement, leur couverture sociale et plus généralement leur dignité, de continuer à penser en allumant chaque soir dans sa tente un tortillon anti moustique aux bulldozers qui au même moment vont raser des cabanes en plastique ou en tôles, sous couvert d'épargner à nos frères humains des conditions d'hygiène intolérables.

Tout cela, non pas pour se donner mauvaise conscience - ceux qui prennent des vacances les ont sûrement bien méritées, ceux qui n'en prennent pas auraient sans doute aimé en prendre pour la seule et bonne raison que cela aurait voulu dire qu'ils avaient un travail - mais parce que c'est justement ce que les autres attendent, que les vacances fassent retomber la pression juste avant l'explosion finale et qu'à la rentrée, on en soit revenu au calme d'un plat mijotant tranquillement.

Oui, vraiment, si cette année on essayait autre chose, si on essayait en vacances de rester un peu en colère.

Gilles, pour une fois chez lui, le 28 juin.

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